Gloire aux marcheurs !

Permettez-moi de commencer par deux citations :

« Le secret du changement, c’est de concentrer toute son énergie, non pas à lutter contre le passé, mais à construire l’avenir ». Socrate, un philosophe …, un vrai

Un proverbe soufi : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».

Souvent les rues commémorent l’histoire, cette avenue fait l’histoire.

La Canebière à peine plus grande que l’avenue de la marche. Toute droite, elle finit au bout de la terre. L’avenue se veut serpentine, telle une source qui chercherait son chemin à travers la campagne verdoyante que fut le quartier quelques décennies auparavant.... Campagne Picon, Font vert, les bastides, etc.

La chanson "les enfants des quartiers nord" rappelle cet environnement pastoral et qui traduisait la perception qu’avaient les enfants de leur univers, de leur quotidien.
Cette chanson les enfants des quartiers nord était une œuvre qui mêlait utopie et anticipation.

L’avenue fait l’école que nous voudrions encore plus buissonnière

Nous nous souvenons que la marche de 1983 quitta les collines de Marseilleveyre le 15 octobre.

Cela nous laisse quelques espoirs de voir disparaître le béton qui remplaça les champs.

La bétonisation n’est plus dans l’air du temps avec le réchauffement de la planète. Sans doute devrions-nous songer à végétaliser, faute de mieux, le toit des immeubles.

L’artère vitale du Grand Saint-Barthélemy n’est pas cette rocade L2 Nord qui a défiguré l’environnement, causé et cause encore bien des soucis aux habitants de ces quartiers. L’artère vitale sera l’avenue de la marche.

Donner un nom de rue qui « parle » à tout un quartier, c’est reconstruire une mémoire commune, la rendre visible et permanente.

La création de cette avenue raye définitivement l’illégitime appellation " marche des beurs ".

En 1983, au lendemain de l’arrivée de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, un journaliste du quotidien Libération avait certes salué cet engagement. Mais il avait surtout fustigé le fait que les marcheurs portaient, pour un grand nombre d’entre eux, « des serpillières » comprendre des keffiehs, symboles comme chacun le sait de la cause palestinienne.

À l’occasion des 40 ans de l’anniversaire de la marche pour l’égalité et contre le racisme, pendant une année. Cette année a été lancé par monsieur le maire Benoit Payan, au palais du Pharo. A cette occasion, tel le bouquet final d’un feu d’artifice, il a annoncé à toute la France, que Marseille n’aurait pas une rue, mais une avenue « marche pour l’égalité et contre le racisme ». Marseille, toujours dans l’exagération !

Puis il y a eu l’exposition au musée de l’histoire de Marseille ; “Là où il y a eu oppression, il y a eu résistance”. Cette exposition se voulait avant tout militante, avec deux objectifs principaux : donner les clefs de lecture, en apportant des informations jusque-là connues des seuls initiés et permettre aux jeunes générations de mieux appréhender cette histoire collective qui a suscité tant d’espoir et de désillusions.

Inscrire cette histoire « TAA’NOUS » dans le roman national est la raison d’être de cette exposition qui s’est accompagnée d’un programme de conférences, de films et de débats dans la cité phocéenne. Le temps nous est compté pour l’ensemble des manifestations réalisées.

Un film retracera cette épopée qui a débuté officiellement le 15 octobre 2023 et dont nous voyons l’aboutissement aujourd’hui.

Pour le collectif "Mémoires En Marche", il s’agit de ramasser ces petits bouts de mémoire et de les transmettre.

Le collectif a été créé en 2013 au moment de l’anniversaire de la Marche pour l’Égalité et contre le Racisme de 1983.

Il a été constitué par des militants ayant participé pour certains d’entre eux à l’organisation et à des étapes de la Marche, pour témoigner de l’histoire des luttes, pour mener un travail de mémoire et de transmission auprès du grand public et notamment auprès des jeunes.

Le collectif "Mémoires En Marche" s’est réuni pour écrire l’histoire locale de cette mobilisation. 

Il s’agissait aussi de participer à la transmission des mémoires et des luttes de l’immigration et de toutes les discriminations.

Le collectif travaille sur la mémoire des luttes pour l’égalité des droits et des histoires postcoloniales pour éclairer les combats présents et futurs.

L’époque se voulait multiculturelle. Marseille est multiculturelle.

Telle était l’ambition de l’ARA radio Gazelle – canal historique, (ARA : Association Rencontre Amitié) la radio multiculturelle de Marseille qui a commencé à émettre en 1980, radio clandestine avant la libéralisation des ondes en 1981 par François Mitterrand.

Multiculturelle, n’en déplaise aux gardiens d’une tradition rance, qui signifie conservatisme et repli sur soi, l’inverse de l’enfermement et du communautarisme.

Mémoire En Marche est héritière de radio Gazelle et de la marche de 83.

Radio Gazelle était un forum multiculturel qui représentait plus de vingt communautés.

Ces années 80, c’était l’époque où lorsque l’on se disait antisioniste, on ne nous balançait pas à la gueule antisémite…

Nos émissions relataient les revendications indépendantistes en Kanaky et en Guadeloupe, les révoltes dans les Caraïbes et en Amérique latine, les massacres de Sabra et Chatila , nous songeons au groupe Nass El Ghiwane qui accompagna la marche de 83, la situation en Algérie,

 Nelson Mandela était toujours emprisonné ….

Cette époque c’est une opposition déterminée au FN, qui ne pouvait tenir réunion à Marseille, sans être protégé et isolé par d’importants cordons de CRS.

Radio Gazelle, par décision de son conseil d’administration a toujours refusé de donner libre antenne à cette formation dont nous souhaitions l’interdiction.

Au Moyen Âge, il y avait aussi les marques de tâcheron. L’ouvrier étant payé à la tâche, il apposait sa marque sur chaque pierre qu’il façonnait afin d’être rémunéré.

C’est cette marque que nous souhaitons laisser en ce jour inaugural.

Pierre Lezeau Mémoires En Marche